Vivre en Guadeloupe : ce que je n’ai pas aimé

J’ai presque toujours été sympa avec Papillon, aujourd’hui, je vais te parler de ce que je n’ai pas aimé. La Guadeloupe a beau faire partie de la France, il y a des choses qui  sont vraiment, vraiment différentes. Je passe les insectes, les coupures d’eau et de courant récurrentes qui ne m’ont pas trop dérangés. Toutefois, cette expérience insulaire m’a confrontée à des comportements aux antipodes de mes valeurs face auxquels j’ai été bien incapable de m’adapter. Attention, ce que je vais dire n’engage que mon avis, basé sur mon expérience ici. Ce n’est en aucun cas à prendre comme des faits universels qui arrivent à tous ceux qui s’installent sur l’île. On peut être d’accord, on peut s’indigner de mes propos et je laisserai d’ailleurs libre cours à tous les commentaires (sans forcément répondre ou débattre puisqu’on a tous notre sentiment sur le sujet) dès lors que ce ne sont pas des insultes.

Pour illustrer mes propos, je vais commencer par te parler du chien de ma voisine antillaise, qu’elle considère comme du bétail bon à garder la maison (tu as bien lu bétail et non animal domestique). Vois-tu, ce chien aboie tout le temps : jour, nuit, une voiture qui passe, une souris, l’herbe qui pousse… il ne s’arrête jamais. A bout de nerfs en moins d’un mois et n’arrivant plus à dormir, je décide d’aller la voir pour en discuter. J’ai à peine le temps de placer « Bonjour, je viens vous voir pour votre chien… » que je m’en prends plein les dents. Pendant ce monologue cette conversation, je me fais insulter de « sale blanche qui se croit tout permis » et j’apprends qu’elle me vole mes citrons par l’intermédiaire du jardinier. Ma requête est restée vaine, le chien ne s’est jamais arrêté. Pour l’anecdote, il faut savoir que MaSuperMoitié a eu moins de chance puisqu’il a été reçu avec le tuyau d’arrosage. La manière légale aurait été trop longue, pour prendre mon mal en patience, dans ma tête j’ai tué ce berger allemand de toutes les façons. A la main, au poison, avec une arme,… mes tortures n’ont eu de limite que mon imagination. Le jour où je l’ai vu se promener en liberté sur la route, j’ai failli saisir l’opportunité et le renverser. Et puis une nuit à 3h, un touriste qui ne voulait pas que ses vacances soient gâchées par un chien, a klaxonné devant la maison de la voisine jusqu’à ce qu’elle se lève et fasse taire son chien. Pendant les vacances de ce monsieur, on n’a plus rien entendu. Et puis ça a recommencé.

Tu peux penser que ce que je te raconte est anecdotique mais en en discutant autour de moi, je me suis aperçue que si pour moi c’est un chien, pour d’autres, c’est un coq, un cabri, des poules et j’en passe. Maintenant, quand j’entends des coups de carabine, je sais que c’est mon voisin qui tire sur les animaux en liberté rentrés dans son jardin. Le problème de l’urbanisation d’une Guadeloupe rurale est connu mais pour l’instant, aucune solution n’a été trouvée.

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Une copine sur FB qui essaie de relativiser

 Pour ce qui est du racisme, ce n’est malheureusement pas une légende. J’y ai aussi beaucoup trop souvent été confrontée. Pas aussi clairement que les propos de ma voisine. Plutôt avec le passage volontaire du français au créole pour que je ne comprenne pas, ou dans les magasins quand je demande la même chose que le client antillais juste avant moi et qu’on me répond ce n’est pas possible. Pour le justifier, j’ai tout entendu, des métropolitains qui ne se mélangent pas à l’odieux touriste qui se croit chez lui en passant par l’époque de l’esclavage qui ne passe pas et au « c’est comme ça aussi dans toute les campagnes françaises« . Je peux tout comprendre et on peut tout m’expliquer mais je ne vais pas pour autant l’accepter. Il y a toujours une raison pour ne pas aimer quelqu’un, cela n’excuse en rien le comportement. Même en travaillant à Genève en tant que frontalière il y a quelques années (ceux qui le font savent que les suisses ne nous voient pas d’un bon œil),  je n’ai pas été confrontée à une telle violence. Et ce n’était pas mon pays.

Je ne te parlerai pas de l’intégration impossible sur laquelle je me suis cassée les dents,  pensant naïvement-malgré les mises en garde des copains antillais parisiens– que je me ferais des amis locaux facilement. Non, j’exagère, appelons-là « sélective malgré moi  » puisque je me suis quand-même fait des copains antillais en master… tous avaient une expérience en métropole ou à l’étranger. Ils partagent d’ailleurs mon avis et sont bien plus sévères que moi sur beaucoup plus de points que ceux que je te présente.

Le vol dans les propriétés quant à lui n’épargne personne. Pour mes citrons, ça peut faire rire. Mais là où ça devient inquiétant, c’est qu’ils n’hésitent pas à s’introduire dans la maison. Un des collègues de MaSuperMoitié a été réveillé par un visiteur non invité venu se fournir en cash. Plus de peur que de mal, le voleur a pris ses jambes à son cou, il n’avait aucune arme et n’a menacé personne. Mais ça n’a pas rendu les locataires sereins. Et l’insécurité, en Guadeloupe, c’est tout le temps, c’est pesant. A Paris, je n’ai jamais pensé à ça puisque je n’y ai pas été confrontée. En pleine nuit seule, à pieds, il ne m’est rien arrivée. Et ce n’est pas une question de mauvais quartier, les agressions arrivent partout. Même à Saint-François, ville réputée très touristique, la marina a connu des heures sombres avec des bandes locales qui sortent les armes pour tirer sur les vacanciers et même un meurtre à l’arme blanche devant un resto bondé un vendredi soir…

L'impression d'être dans un pays pauvre alors que c'est la France a été dur aussi

L’impression d’être dans un pays pauvre alors que c’est la France a été dur aussi

Bien entendu, je ne mets pas tous les guadeloupéens dans le même panier. Ils sont d’ailleurs de plus en plus à se lever contre tous ces problèmes qui nuisent à l’image d’une île paradisiaque où il fait bon vivre.

On m’avait mise en garde sur ces problèmes de société en Guadeloupe mais je ne m’attendais pas une telle intensité. En tout cas, je ne pensais pas que cela pourrait devenir si pesant au quotidien.

13 réflexions sur “Vivre en Guadeloupe : ce que je n’ai pas aimé

  1. Ton article est très intéressant! Pour y avoir passé les 17 premières années de ma vie, tout ce que tu dis est représentatif de la Guadeloupe. Ce n’est pas qu’une jolie carte postale, et il me semble nécessaire d’aborder et de « mettre en lumière » les problèmes plus « graves » présents sur l’île.
    Bises,
    Claire

  2. Je partage totalement ce point de vue. Touriste plusieurs mois j’ai été confrontée à ces problèmes et le rejet de l autre est tellement fort qu’on se retrouve entre soi. Les excuses pour maltraiter les animaux sont données sans aucun état d âme. On maltraité les chiens parce que du temps de l’esclavage les maîtres envoyaient leurs chiens mordre les esclaves… De même le victimisation par l’esclavage est cultivée et justifie nombre de comportements hostiles au blanc et donc aux touristes. Ceux ci sont d’ailleurs considérés comme des vaches à lait malgré leur large contribution économique mais n’ont aucun droit. Malheur à celui qui a un accrochage avec un’ guadeloupéen ! Même s’il n’y est pour rien il sera accusé d’être en tort. Combien de fois ai je entendu ‘ici t es pas en France’ ‘t es pas chez toi’ ‘si tu n’es pas contente retourne chez toi’ ‘ici les lois métropole ne s’appliquent pas tu es en Guadeloupe’. De même pour la conduite au volant. Feu rouges grilles stop non respectés de façon systématique. Un réel danger pour nous lorsqu’on arrive de métropole. Et puis la queue dans les échoppes ou on passe allègrement devant toi avec la complicité du responsable. Et pour finir faut se taire sinon les insultes en creole ou en français sont au rendez-vous suivies de menaces physiques viennent tres rapidement quand tu essaies de discuter. Dommage les îles de Guadeloupe sont magnifiques. Mais le rejet de l autre est ancré dans leur mentalité.

    • J’arrive aisément à imaginer ces situations même si je ne les ai pas vécu en tant que touriste, à part le côté vache-à-lait de la part d’une ou deux personnes en particulier. Sinon j’ai été aussi invité par des locaux…

  3. C’est vraiment sympa à toi de donner ton point de vue sur les aspects négatifs de ton expatriation en Guadeloupe. On entend trop souvent parler des points positifs, mais je pense qu’ils ne donnent qu’une réalité biaisée de ce dont il retourne vraiment. Je pense que tu as été très courageuse de rester habiter là-bas si longtemps en tout cas.. Ça me rend encore plus heureuse de vivre à Stamford, où le sentiment d’insécurité n’existe même pas (et je n’exagère pas du tout pour le coup). xx

  4. Je comprends parfaitement tout ce que tu dis. Même pour le peu de temps que j’y ai passé nous avons loué la maison d’une guadeloupéenne et nous avons donc intégré un quartier de Guadeloupéens et pas un quartier touristique.
    Nous avons eu des problèmes de chiens qui aboyaient toutes les nuits sans relâche et les COQS qui chantent dans la nuit…
    Le racisme nous l’avons bien senti au marché…
    Du coup vois êtes repartis?

  5. J’ai un avis…pas opposé mais assez contradictoire. Cela fait deux ans que je vis ici, mais à Saint Claude, en sud Basse Terre donc.
    Mon sentiment de sécurité est bien plus fort qu’en métropole, et pourtant, je vivais en province dans une ville tranquille. Mais l’agressivité était partout, et je la trouvais vraiment difficile à vivre.
    Ici, rien de tel : il m’arrive même de rentrer le soir et de constater que mes enfants sont partis le matin en laissant la porte ouverte. et pas toujours simplement « pas fermée à clé », mais bien réellement grande ouverte.
    Nous n’avons jamais fait l’objet de visite (je croise les doigts pour que ça continue).
    Il y a quelques semaines, je me suis rendu compte en le cherchant le matin que j’avais laissé mon sac à main, avec papiers, argent, CB, smartphone etc. dehors, sur la poubelle, la veille à 17 heures en prenant le courrier. Il était toujours à le lendemain, intact.

    Le racisme, je le vis très rarement.
    Dans la rue, pas de souci, et j’ai été spontanément invitée en tant que nouvelle arrivée à la galette puis à la fête des voisins.
    Quelquefois lorsque un abruti se met à parler DE moi en créole à une autre personne, ou me double dans une queue en parlant créole très fort, pour se donner un genre…mais très franchement, je me dis que ce sont simplement des abrutis isolés, et qu’il y a comme partout, et à commencer par chez nous, des vieux (ou jeunes) cons racistes. J’en ai pour l’instant croisé NETTEMENT PLUS en métropole.
    Et ma pire expérience raciste a été en Allemagne en tant que touriste, de « blanche » à « blanche », qui m’a crié de retourner chez moi, et que ceux qui faisaient des manifestations antiracistes avaient bien tort.

    Voilà, ceci pour dire que je ne pense pas qu’il s’agisse d’une mentalité globale, mais plutôt d’une question de personne.
    Là où tu as eu une voisine excécrable, j’en ai eu d’autres à qui j’aurais bien éclaté la tête contre le mur ailleurs dans le monde. Et ici tout se passe bien, ni bruit ni rien à déplorer.
    Tu aurais pu avoir un voisin charmant, et en rentrant en métropole rencontrer la folle aux chiens en t’installant au fond d’un village tranquille.

  6. Merci pour ton honnêteté. De ce que je vois sur la toile, les différents retours semblent se rejoindre. J’espère que tu ne te feras pas trop « insulter » suite à ce récit, c’est malheureusement souvent le cas dès lors qu’on avoue que tout n’est pas si rose en dehors de la France métropolitaine.
    Bonne continuation dans ta nouvelle vie !

  7. Bravo pour ton témoignage, et pour tout ton blog qui fut si agréable à lire ! Moi je vis dans un quartier très sensible de la Guadeloupe (le Raizet aux Abymes) où criminalité, braquage et accidents de scooter font le quotidien. Mais ayant été avertie dès mon arrivée, j’ai su éviter certains endroits à certaines heures et n’ai jamais eu de problème, à part un jour avec un SDF qui, sûrement exédé par des refus successifs, a complètement pêté les plombs quand j’ai refusé de lui acheter un millefeuille à la boulangerie. Je n’ai jamais non plus ressentie de racisme vis à vis de ma situation de « métro », mais ai appris à éviter les marchés touristiques où les marchands n’hésitaient pas à me faire payer un avocat à 4 € pièce, ou bien 10 € les 2 melons pour préférer les petites boutiques locales où le prix des fruits et légumes est bien affiché à l’avance. Par contre moi aussi je regrette une chose, c’est que les deux cultures ne sachent pas se mélanger et faire des choses ensemble. Toutes les activités auxquelles je participe sur l’île n’attirent que des métros : plongée, paddle, surf… Et d’autres manifestations n’attirent que des antillais : karujet, lewoz… Je n’ai pas réussi à me faire des amis antillais en 2 ans, et c’est là mon grand regret.

  8. Bonsoir,
    Je me reconnais dans le récit initial. Je suis arrivée en Guadeloupe en 2013 et je repars dans quelques jours en métropole avec un très grand soulagement. J’aime beaucoup la Guadeloupe mais uniquement pour des vacances. J’ai suivi mon ami antillais et j’avais besoin d’une pause mais je me suis rapidement aperçue que le mode de vie antillais ne correspond pas à ce que je recherche. Je viens de Paris, je pense qu’il est très difficile de s’adapter à la vie insulaire quand on est habitués aux commodités. J’ai finis par m’ennuyer fermement et par ressentir un profond malaise d’être en Guadeloupe. Je suis heureuse de repartir comme j’ai été heureuse de venir mais je pense que j’avais beaucoup idéaliser la vie ici. La chaleur quotidienne m’est devenue insupportable, les insectes, les embouteillages, la vie très chère et les endroits très limités. Lorsque l’on a l’habitude d’une vie très active et que l’on aime les musées, théâtres, voyager, bref la vie citadine, ça devient vite compliqué, tu finis par tourner en rond. Je n’ai jamais réussi à me faire d’amis, les gens que j’ai rencontré (métros pour la plupart) ont ou des problèmes d’argent, ou des problèmes tous courts et finissent par te polluer. Les problèmes de voisinage avec le chien je connais excepté que j’ai géré le problème autrement avec une lettre recommandé qui a suffit à mettre fin aux nuisances illico. Il faut aussi se respecter pour se faire respecter. Sinon, je n’ai eu aucun problème avec la population. Bref, tout dépend de ce que l’on recherche dans la vie et les iles (cela ne concerne pas que la Guadeloupe) ne correspondent pas à ce que je recherche en dehors d’une ou deux semaines de vacances au soleil! Après il y a des personnes installées depuis plusieurs années et qui s’y plaisent très bien. Tout dépend de ce que l’on recherche!

  9. Pas vécu du tout le racisme en tant que touriste pendant 2 mois mais je me suis fait facilement des amis antillais et j’étais très souvent accompagnée d’eux.

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